Portrait d’Ania Nguyen, ancienne élève du LFV et étudiante en finance durable

Ania Nguyen, 23 ans, a passé toute sa scolarité au Lycée Français de Varsovie (de la moyenne section à la Terminale) jusqu’à décrocher un Bac Économique et Social en 2018. Elle est actuellement en Master à Grenoble École de Management. De nationalité vietnamienne et polonaise, elle nous partage son expérience dans le système scolaire français

Quel a été ton parcours après le Lycée français de Varsovie ?

N’étant pas sûre du domaine dans lequel je voulais me spécialiser après le baccalauréat, j’ai intégré une classe préparatoire économique et commerciale à Lyon (Lycée Sainte-Marie). Cela m’a permis de continuer dans une formation générale avec des matières littéraires comme la philosophie et les langues, et plus techniques comme l’économie, la sociologie et les mathématiques.

Par rapport au lycée, la classe préparatoire implique un investissement beaucoup plus intense et une discipline plus rigoureuse pour répondre aux exigences des professeurs. Il faut réussir à gérer un emploi de temps de cours équivalent en charge horaire à celui de Terminale avec des devoirs surveillés hebdomadaires et des interrogations orales (khôlles) trois jours sur cinq.

Néanmoins, j’ai tiré beaucoup de plaisir à suivre un tel parcours. C’était une opportunité pour moi d’approfondir mes connaissances sur des thématiques qui me touchaient : les enjeux du développement durable à travers les cours d’économie et d’histoire de l’économie, ainsi que les questions philosophiques en général. De plus, c’est grâce à la classe préparatoire que je peux aujourd’hui dire que je maîtrise une 5ème langue, l’espagnol, au point d’avoir la confiance de l’utiliser en Espagne (et même en Italie, car ils le préfèrent à l’anglais).

Je suis actuellement en année de césure (entre mon M1 et M2), dans le cadre duquel j’ai effectué et je continue d’effectuer des stages dans le domaine de la finance durable à Paris.

Peux-tu nous présenter ta formation actuelle et comment tu as pu y accéder ?  Qu’est-ce qui te plait le plus dans ta formation ?

Je suis actuellement étudiante en Master à Grenoble École de Management, une école de commerce. Je l’ai intégrée suite à mon succès aux concours de la BCE (Banque Commune d’Épreuves). C’est un concours qui donne accès à un certain nombre de Grandes Écoles de Commerce. Il est composé de plusieurs épreuves écrites, et s’achève par une période d’oraux de maths, de langues, d’économie ou de philosophie et un entretien de « personnalité ».

Ma formation aborde tous les métiers d’entreprise : le marketing, la finance et la comptabilité, mais aussi la logistique, les achats, etc. Ce que j’apprécie le plus, c’est l’importance accordée à l’acquisition de compétences pratiques et à la construction d’un projet professionnel à travers non seulement des stages obligatoires en entreprise, mais aussi en s’engageant au sein d’associations étudiantes.

En parallèle de ce parcours en grande école, j’ai eu l’opportunité de suivre et de décrocher une licence de philosophie en partenariat avec l’Université Grenoble-Alpes. Je poursuis encore aujourd’hui un master de philosophie. Les thèmes qui m’ont intéressée sont la dialectique hégélienne, le matérialisme dialectique, la philosophie arabe de l’homme parfait, ou encore les études de genre, et en particulier les notions d’intersectionnalité et d’objectivité forte dans le combat féministe. 

Tu veux aujourd’hui te diriger vers la finance durable. Peux-tu décrire ce domaine ? Pourquoi ce choix ?

J’ai été sensibilisée à la problématique environnementale notamment dans mon parcours au LFV grâce aux enseignements de plusieurs professeurs et professeures sur le sujet.

J’ai choisi de me diriger vers une spécialisation « finance » alors même qu’en prépa, je disais ne vouloir absolument pas travailler dans la finance. J’ai revu ma position suite à mon premier stage au sein de l’UNESCO pour UNESCO GREEN CITIZENS, une campagne et plateforme digitale de mise en avant des initiatives citoyennes qui déploie des solutions pour répondre aux enjeux écologiques. Le principal obstacle au développement de ces initiatives était le financement. J’ai ainsi compris que si je veux réellement voir une transition écologique, c’est à travers la finance que cela peut se faire.

J’ai ensuite effectué un stage au sein d’une société de gestion d’actifs (Meeschaert Asset Management), dont plus de la moitié des encours sous gestion est gérée avec une approche de sélection intégrant des critères extra-financiers (environnementaux, sociaux, sociétaux et de bonne gouvernance) en amont d’une sélection sur critères financiers.

Actuellement, je suis en stage chez Yotta Capital Partners, qui est, elle aussi, une société de gestion d’actifs, mais qui investit dans les entreprises non cotées dans l’objectif d’accompagner ses participations dans la décarbonation et la transition écologique.

Dans mon école, qui met en valeur l’engagement associatif, je participe aussi au Bureau National des Étudiants en école de Management (BNEM). J’y pilote la Commission « Enjeux Écologiques », dans la perspective de pousser et d’accompagner toutes les écoles de management à intégrer ces enjeux dans leur offre de formation.

Quels souvenirs gardes-tu du LFV ? Pour quelles raisons le recommanderais-tu ?

Le LFV constitue toute mon enfance, j’en garde surtout des souvenirs d’amitié : les heures passées dans la cour et les couloirs de l’école primaire, les moments passés à la cantine ou dehors dans l’espace de ping-pong, puis dans le foyer au collège et lycée.

Faire sa scolarité au LFV, c’est l’opportunité de nourrir son ouverture d’esprit en étant confronté à la culture française et polonaise, mais aussi à d’autres en rencontrant des élèves venant de pays différents. Ainsi, on apprend non seulement à comprendre et s’adapter aux différences, mais aussi à vivre dans un contexte culturel varié. Par ailleurs, ce que j’ai apprécié énormément au LFV, c’est la familiarité qu’on acquiert dans nos relations avec tous nos enseignants et enseignantes, ainsi qu’avec la direction et le personnel administratif, qui permet ainsi un cadre d’apprentissage dans lequel j’ai pu me sentir complètement à l’aise.

Pourquoi ta famille a-t-elle choisi de t’inscrire au LFV ?

Dans mes souvenirs, c’était surtout un choix pratique. À l’époque, beaucoup de leurs amis quittaient la Pologne pour revenir au Vietnam. Ainsi, par précaution, ils ont choisi une école française, car ils pouvaient être sûrs qu’avec le réseau des lycées français à l’étranger, il y en aurait une au Vietnam au cas où.

Étant d’origine vietnamienne, comment conjugues-tu cette facette de ton identité avec ta vie en Europe (France et Pologne) ?

Je suis Vietnamienne, ayant été élevée par des parents vietnamiens, mais je considère que je suis également Polonaise : je suis née à Varsovie et mes parents ont vécu en Pologne depuis leurs études. Je n’ai donc pas particulièrement eu de difficultés à vivre en Pologne, à part quelques remarques racistes dans la rue, auxquelles je suis également confrontée en France.

Réussis-tu à cultiver cette culture vietnamienne ? Cela te donne-t-il un autre regard sur les choses ?

Je connais le vietnamien : c’est la langue principale avec laquelle je communique avec ma famille. Pourtant, c’est la langue que je maîtrise le moins bien après le polonais, le français et l’anglais.

Le seul moyen que j’ai trouvé pour cultiver ma culture vietnamienne, c’est en lisant des romans et des essais sur cette culture. Sans réel guide culturel sur la littérature vietnamienne, c’est constamment un défi.

Il est néanmoins important pour moi de maintenir mes liens avec cette culture, car c’est elle qui me permet d’avoir un regard intersectionnel sur les choses, de réellement comprendre que les valeurs ne sont pas universelles. La conjugaison de ma culture vietnamienne avec ma culture polonaise, mais aussi française grâce à mon parcours éducatif, se fait naturellement.

Je tire mes valeurs des trois cultures : la culture vietnamienne est très présente dans mon rapport aux aînés et à la nourriture, ma culture polonaise, qui domine, rythme ma vie de tous les jours, et mon éducation française, sont à l’origine des valeurs sociétales qui dictent mes choix professionnels.