Frédéric Cartailler, enseignant depuis près de 20 ans au Lycée français de Varsovie, partage avec nous sa passion pour les sciences, sa vision du métier d’enseignant, mais aussi ses conseils pour réussir sa scolarité dans les disciplines scientifiques.
« Être un « bon élève » en sciences, ce n’est pas avoir toujours les bonnes réponses, mais être capable, face à une situation nouvelle, de proposer une réponse qui semble logique, puis de confronter cette réponse à la réalité. »
Comment construisez-vous vos cours ? Quelles ambitions avez-vous pour les élèves ?
Tout d’abord, je considère qu’on comprend et qu’on retient plus facilement ce qu’on a cherché et expérimenté soi- même.
C’est pour moi une chance d’exercer un métier où je dispose d’une certaine liberté pour organiser mes séances avec les élèves. Bien sûr, je suis le cadre défini par le ministère français de l’Education nationale , mais je reste libre de choisir l’approche qui me semble la plus adaptée au niveau et aux élèves.
Depuis quelques années j’ai fait le choix de développer des activités, si possible ludiques, renforçant l’autonomie des élèves et la coopération entre eux. Cela me permet de différencier les aides ou les conseils apportés : les élèves plus fragiles peuvent mieux réussir, ceux qui sont plus à l’aise peuvent aller plus loin.
La manière dont je conçois maintenant mon métier correspond davantage à un travail d’organisateur et d’accompagnant qu’à un travail de « transmetteur » d’informations et de méthodes. Dans un monde en mutation où une part importante des métiers de demain n’existent pas encore, il me semble indispensable « d’apprendre à appendre », c’est à dire d’être capable en autonomie d’extraire et d’exploiter rigoureusement les informations utiles pour acquérir de nouvelles compétences. La capacité à échanger, s’organiser et travailler en petit groupe me paraît être une base essentielle pour une vie professionnelle réussie.
Ceci dit, une part non négligeable du travail en classe reste consacrée à la vérification des connaissances acquises et aux remédiations en cas de difficulté. Mon objectif premier reste la réussite de tous.
Quels conseils donneriez-vous aux familles ou aux élèves ?
Je crois en deux principes forts en terme d’enseignement « On apprend en se trompant » et « Tout élève qui s’investit doit réussir ».
Dans ce que j’ai pu observer au cours de ma carrière les deux sont liés : être un « bon élève » ce n’est pas avoir toujours les bonnes réponses, mais être capable, face à une situation nouvelle, de proposer une réponse qui semble logique ; puis dans le cas où cette réponse serait erronée d’analyser pourquoi on s’est trompé.
De la même manière, il arrive parfois qu’un élève ne réussisse pas une évaluation alors qu’il avait travaillé dur pour la préparer, dans ce cas il doit être capable d’avoir un regard critique sur son investissement, son organisation et sur la manière dont il a révisé.
Voici les conseils de base que je répète aux élèves en classe :
- « Essayez et proposez des réponses même si vous n’êtes pas sûr de vous»,
- « Analyser systématiquement les erreurs commises »,
- « Posez des questions chaque fois que vous ne comprenez pas votre erreur ou pourquoi vous n’avez pas réussi »,
- « Reposez votre question si la réponse ne vous semble pas évidente ».
J’aime cette citation de Richard Feynman (lauréat du Nobel de physique en 1965) :
« Pratiquement tout est intéressant quand on s’y engage vraiment. Travaillez aussi dur et autant que vous le souhaitez les sujets qui vous intéressent. Ne vous demandez pas ce que vous voulez être mais ce que vous voulez faire. »
Selon vous, qu’apportent les sciences physiques dans la formation d’un collégien ou d’un lycéen ?
Les enseignements de Physique-Chimie poursuivent deux objectifs généraux de l’enseignement secondaire français.
Le premier est la formation des futurs citoyens, c’est à dire qu’à l’issue de leurs scolarité obligatoire, les élèves doivent posséder une culture commune mais également des « outils d’analyse critique » pour comprendre et s’engager dans le monde actuel.
Or, nos sociétés sont éminemment technologiques, connaître les lois et principes mis en jeu dans les objets de nos vies quotidiennes comme les smartphones, les matériaux synthétiques, les piles et batteries, les appareils électriques ou encore les médicaments, c’est mieux maîtriser son environnement.
De plus, dans un monde ou les « fake news » et les « théories du complot » sont malheureusement de plus en plus présentes, il me paraît indispensable de savoir distinguer ce qui relève du fait scientifique argumenté et critiquable de ce qui relève de l’opinion ou de l’assertion. Les crises énergétique, climatique et écologique actuelles renforcent la nécessité d’une culture scientifique pour en saisir les enjeux et analyser les solutions proposées ou envisagées.
Le second objectif est lié au développement et à l’épanouissement personnel de chaque élève. En classe, je résume cela en disant souvent aux lycéens que « le plus beau cadeau que puisse vous faire l’école, c’est de vous donner les bases qui vous permettront de réussir votre orientation : c’est à dire étudier dans la formation de votre choix pour exercer un métier qui vous plaît ».
En se confrontant à la Physique-Chimie, chaque élève a la possibilité de tester ses appétences pour les contenus et méthodes de cette matière. Les élèves qui s’investissent et réussissent dans la matière peuvent se constituer des dossiers solides pour leurs orientations (que les études visées soient scientifiques ou non).
Il s’agit aussi de susciter des vocations pour les métiers scientifiques dans un monde qui a besoin de plus en plus d’ingénieur·e·s et où les filles sont encore sous représentées dans les filières qui mènent à ces métiers.